Le passage du Nord Ouest
Après un parcours de plus de 7 500 kilomètres et 2 mois sur l’Océan Atlantique et l’Océan Pacifique, en passant par les îles arctiques du grand Nord Canadien, Yvan Bourgnon est arrivé à Nuuk (Capitale du Groenland) le vendredi 22 septembre, à 0h12 heure locale. Il boucle ainsi le Défi Bimedia et devient le premier skipper à boucler le passage du Nord-Ouest sur un catamaran de sport en solitaire, sans habitacle, ni assistance.
Parti le 13 juillet à 8h30 de Nome en Alaska, Yvan s’est amarré à 0h12 aujourd’hui à Nuuk, au Groenland, au bout d’un combat qui l’a amené à dépasser ses limites et à aller au delà de la souffrance.
71 jours en péril permanent, sans jamais avoir de droit à l’erreur, tant les conditions de vent, de température de l’air et de l’eau, les glaces dérivantes, les roches non répertoriées, menaçaient l’intégrité de « Ma Louloutte » aussi bien que la vie du marin.
A ce stress permanent s’ajoutaient le froid intense et l’humidité constante de la pluie ou des embruns : « J’ai découvert ce qu’était la peur en mer. Je suis conscient d’avoir dépassé mes limites, j’aurai beaucoup appris de ce défi. Tout s’acharnait à essayer de me mettre à la mer, et l’eau à 2° c »était la mort assurée. »
Voici un BEST OF des moments durs et beaux, de cet exploit majeur accompli par Yvan :
Départ de Nome en Alaska le 13 juillet, après 15 jours de préparation du bateau.
Détroit de Béring : La Russie et la Sibérie à bâbord, l’Alaska et les Etats-Unis à tribord : « Je suis passé à vue des Iles Diomède distantes de 3 km, l’une est russe l’autre américaine. »
1er franchissement du cercle polaire par 66° 33′ de latitude nord. Le 15 à 23 heures françaises Yvan a basculé dans le cercle fermé des navigateurs polaires.
Le début de la pluie, qui s’invitera pendant plus d’une une semaine avec notamment plus de 36 heures sans interruption.
Point Barrow : La première porte des glaces, où un étroit passage s’ouvrira juste à temps pour laisser passer Yvan. Les premiers growlers, la ligne blanche de la banquise qu’il longe, les phoques, baleines et cachalots offrent un spectacle majestueux.
La chute à la mer, à Prudhoe Bay : Pendant qu’il file de la chaîne, le taquet s’arrache et Yvan déséquilibré tombe par dessus bord. Il s’épuisera pour remonter à bord et mettra un temps infini à ne plus être frigorifié.
Hershel Island au Canada « Ma Louloutte » y fait une halte de douze heures pour réparer le régulateur du panneau solaire orientable.
Le premier ours polaire est aperçu à l’entrée du Golfe d’Amundsen, seul sur un growler d’une cinquantaine de mètres. Entouré de centaines d’îles, îlots et têtes de roches dans la partie la plus étroite du détroit d’Amundsen, le manque de cartographie est un facteur de stress important.
Mouillage de tous les dangers à Hat Island : Le vent fort transforme le mouillage en piège. « Ma Louloutte » est proche de l’échouage et Yvan doit se mettre à l’eau pour l’empêcher de heurter les rochers : «En plus de l’angoisse de perdre le bateau, le froid en dessous de zéro a gelé l’eau du bord et je n’ai rien pu boire durant ces efforts violents.
Talayoak : Yvan à été contraint d’y séjourner au mouillage une semaine, Les réparations indispensables sur les pilotes qui l’avaient poussé à se mettre au calme, ont nécessité trois jours, mais la banquise barrait la route vers le Nord, et il ne servait à rien de reprendre le large.
Weld Bay, 3 demi-tours près des Iles Tasmania : Le Défi Bimedia a bien failli s’arrêter à Weld Bay où la pause forcée a duré 12 jours pour cause de barrière de glace. Après 3 tentatives manquées pour franchir le bouchon de glaces qui bloque le passage à quelques miles de ce mouillage, et des risques énormes pour « Ma Louloutte » et pour sa vie, Yvan doit patienter…
Le Détroit de Bellot : Après une douzaine d’heures de navigation au près, souvent entouré de glaçons, Yvan est arrivé à hauteur du Détroit de Bellot, sous la neige et par moins 2°.
Collision avec un morse : Pensant d’abord à une roche, Yvan aperçoit le morse dans son sillage.
Hatt Bay : Yvan a mouillé à Hatt Bay pour s’abriter et, comme prévu le vent a soufflé en tempête. Le catamaran s’est plusieurs fois retrouvé sur une coque ! Sur les traces d’Amundsen : un remorqueur qui tracte la barge du bateau d’Amundsen avaient rejoint la même baie de Hatt ; Yvan effaré a vu le remorqueur chasser, et la barge derrière lui, venir au contact du voilier mouillé un peu en arrière. : « Un moment j’ai même craint que cet attelage ne m’arrive dessus et emporte « Ma Louloutte » !
La plus forte tempête subie avec « Ma Louloutte » : Entre les montagnes à l’est de Pond Inlet. : « Le vent est monté jusqu’à 70 nœuds et la nuit est tombée. Pour réduire la vitesse et contrôler un peu cette fuite, j’ai mis à l’eau mes 2 ancres flottantes… Et aussi mes deux ancres classiques ! Malgré ça, j’avançais encore à 6 nœuds à sec de toile. »
Clyde River : Les vents forts et la mer très formée contraignent Yvan à descendre le long du canada. Il est arrivé à la hauteur de la Clyde River où il a mouillé ; l’occasion de faire un check up complet de « Ma Louloutte »
L’invité surprise de Qikiqtarjuaq : Dans la nuit, au mouillage, Yvan est alerté par une position inhabituelle du bateau, dont les étraves plongeaient sous la surface et le tableau arrière s’élevait 1 mètre au dessus de l’eau : « Devant moi au niveau des étraves, un ours polaire avait les deux pattes posées sur le pont de la coque bâbord qui s’enfonçait sous l’eau. »
Les icebergs massifs du Détroit de Davis : Le début de la traversée vers le Groenland est parsemé de véritables immeubles de glace de près de 500 mètres de long et 100 de haut. C’est aussi le retour des nuits sans nuages et la première aurore boréale.
Arrivée à Nuuk et la fin heureuse du Défi Bimedia à 0h12 dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 après 71 jours !